farine bio

Je me demande si ce n'est pas de là que tout est parti.
Une conversation entre collègues agriculteurs ou connexes, échanges d'expériences et de savoirs, le bio, le pas bio, ce qu'on a dans nos assiettes...
L'info qui est tombée là m'était destinée, elle fut vraisemblablement à l'origine de ma vocation de meunier :
Les farines fournies par les minoteries à notre boulanger de quartier, de village - peu importe, ils ont tous les mêmes enseignes - contiennent parfois moins de 50 % de farine.
Blanc...
Non... même le pain ?!!!
Oui, même le pain.

En guise d'entrée en matière, voici quelques extraits significatifs d'un excellent article de Marc Dewalque, boulanger bio belge très impliqué dans la diffusion des savoirs et techniques de la boulangerie au levain.
Après la description méthodique et les effets des différents améliorants/adjuvants/auxiliaires/ additifs (quelle embrouille !)  utilisés en boulangerie artisanale et industrielle moderne, tels que :

LES SUCRES
LES COMPOSANTS LACTIQUES SECS
LES FARINES DE LEGUMINEUSES
LES MATIERES GRASSES
LE GLUTEN (maintenant sous-produit d’unités de production de bio-éthanol, trop marrant !)
LES OXYDO-REDUCTEURS
LES EMULSIFIANTS
LES CONSERVATEURS
LES ENZYMES (petits frères des ci-dessus nommés pour éviter les dérangeants E..., trop marrant !)

nous arrivons aux :
AMELIORANTS COMPOSES
Les compositions liquides, pâteuse, sèches où se mélangent les divers ingrédients, additifs et auxiliaires technologiques seront parfois la force des firmes de ce secteur intermédiaire entre le meunier et le boulanger.
Dans ce cas ils seront appropriés pour chaque type de panification (baguette, pistolets, pain de mie, pain complet,…) ou parfois pour des applications (congélation, pointage en bac à froid,…).
Ici, si la liste des ingrédients figure souvent sur l’emballage, les doses de ces ingrédients sont généralement absentes.
De ce fait, en compétence professionnelle, on délègue [a36].

PRE-MIXES & MIXES

Le pré-mixe est à mélanger à 50% (ou plus ou moins) avec la farine et les mixes sont à utiliser à 100% .
Ils sont composés des améliorants appropriés au type de pain souhaité et font souvent appel à des suppléances artificielles dues au manque de temps de fermentation (formateur de goût) appliqué.
Ainsi, levain désactivé et farine de malt toastée figurent de plus en plus régulièrement sur étiquette.
Des graines (sésame, pavot, lin, tournesol,etc…) sont parfois ajoutées également.
Et puis, un plan marketing est parfois proposé par le moulin ou la firme d’améliorants en termes de PLV (Publicité sur le Lieu de Vente) ou opérations médiatiques.
Les aspects santé sont parfois développé en formulation (fibres, oméga 6, vitamines, teneur en sel réduite ou rectifiée, etc..) .
Encore des questions ? Je recommande  la lecture complète de cette analyse historico-socio-économique de l'utilisation des additifs en boulangerie.

C'est ainsi que je suis devenu paysan-meunier.
Ne serait-ce que pour être certain d'être toujours approvisionné en vrai pain de vrai blé. J'aime trop le pain.

Maîtriser la chaîne du champ au grain, en totale autonomie, selon des principes de base qui regardent par l'autre bout de la lorgnette.

Règle n° 1 : le naturel
Cultiver sans chimie, dans le respect de la nature, de ses cycles, de ses aléas, de sa générosité aussi bien que de son aridité, faire avec, observer, favoriser, accompagner... Certains appellent ça agriculture biologique, moi je me demande comment une agriculture pourrait ne pas l'être.
Ainsi la farine issue de mon blé ne contient pas non plus de chimie. C'est d'autant plus important qu'elle est semi-complète, c'est-à-dire qu'elle contient une partie de l'enveloppe, qui, en agriculture conventionnelle, stocke les traitements pulvérisés.
D'où l'intérêt de se demander s'il est opportun de consommer une farine complète non biologique.

Règle n° 2 : la tradition, le goût et la santé
Choisir ses blés selon des critères conjugués de tradition locale, rusticité, adaptabilité au terroir, diversité, qualité gustative, délicatesse des glutens.
Il faut savoir que les blés modernes sont élaborés dans le but de répondre à toutes sortes d'exigences économiques mondiales, mais que dans la bataille ils ont perdu leur vocation à nourrir les humains.
Les machines à boulanger exigent un gluten surabondant et tenace ? Qu'à cela ne tienne, inventons-le. Il ne faudrait pas se mettre en travers de l'irrémédiable ascension des lobbys agro-alimentaires.
C'est ainsi que nos estomacs font la grève. Ils ne peuvent pas traiter les macromolécules de ce nouveau gluten, plus agglutinant, donc plus allergisant.
Par contre, un blé ancien, non boosté à la gliadine, aux arômes aussi oubliés qu'inimitables, fera le bonheur à la fois de votre système digestif et de vos papilles.

Règle n° 3 : le moulin approprié
Le moulin Astrié à meules de granit n'est pas là pour le folklore.
Je suis sûr que vous avez vu mille fois cette coupe d'un grain de blé. Aujourd'hui, regardez-la mieux : tout ce qui fait la richesse et la valeur nutritive du grain est contenu dans et sous cette chaîne plus sombre située juste sous l'enveloppe et appelée assise protéique ou couche merveilleuse.

Reprenons les bases :
  • l'amande contient et l'amidon, c'est à dire le sucre, et les protéines insolubles que sont le gluten.
  • le germe contient des graisses polyinsaturées, des bonnes protéines solubles et des vitamines
  • l'assise protéique, absolument méconnue, très riche en protéines et en sels minéraux, contient des enzymes magiques qui interviennent pour transformer les réserves énergétiques et minérales du grain lors de la germination et similairement lors de la fermentation, ce qui fait de la farine de blé un aliment pleinement assimilable.

Or, que fait un moulin de minoterie à cylindres ?

Il écrase. Cet écrasement réduit les parties sèches et friables, c'est -à-dire l'amande, en poudre, et laisse le reste : le germe contient des lipides et colle au papier - hop, on le vire ! - et la couche merveilleuse qui adhère fortement à l'intérieur de l'enveloppe s'en va avec le son.

Bien sûr, la perspective d'une manne facilement gagnée a fait briller l’œil des minotiers industriels, qui ont emboîté avec empressement le pas au discours médical en faveur de plus de ballast dans l'alimentation. Leurs rebuts d'antan participent aujourd'hui à la reconstitution d'une farine complète qui n'en a que le nom, puisque il s'agit souvent de rajout de particules de son à une farine sortie blanche des multiples passages sur cylindres et tamis. Les enzymes de l'assise protéique ne sont toujours pas disponibles pour autant puisque ses cellules n'ont pas pu être ouvertes à la mouture - sans compter que les résidus de pesticides et autre chimie utilisés en conventionnel se trouvent justement dans le son.

Quant au germe de blé, le mal aimé du minotier parce que contenant des graisses susceptibles de faire rancir les farines plus vite que nécessaire, il n'est pas perdu pour tout le monde : l'industrie diététique et pharmaceutique se charge de le faire fructifier.

D'accord, mais les meules de pierre, que font-elles de plus ?


Elles écrasent..., ET elles abrasent.

En cours de rédaction...